mardi 28 octobre 2008

Alphabétisation et TIC... bilan et perspectives?

Ayant travaillé plusieurs années comme juriste internationale dans divers pays en développement d'Afrique, d'Europe de l'Est et des Caraïbes sur des projets tant de protection des droits humains que d'éducation, j'ai eu réguliérement à me poser la question de la méthodologie à utiliser pour alphabétiser (en masse) certaines populations. L'alphabétisation des adultes comme des enfants est dans de nombreux pays (et pas seulement ceux en développement, détrompons nous !) une problématique prioritaire et l'adresser de manière réfléchie et cohérente un défi nécessaire au développement du pays en question. Les méthodes expérimentées sur le terrain sont en général vieillotes et particulièrement rébarbatives, sans parler des projets qui cessent sans avoir mis en place toutes les phases prévues à ces projets. Une constante revient toujours à travers mes expériences, la plupart des pays en développement ont pris avec plus ou moins de réussite, le train en marche des nouvelles technologies et dépassent parfois (en terme d'équipement par exemple) ce qu'on peut voir dans nos pays industrialisés. En Haïti par exemple, n'importe quel Haïtien a maintenant un cellulaire (même une marchande qui a du mal à nourrir ses 8 enfants a son cellulaire) et va dans un cyber-café pour communiquer avec sa famille expatriée à l'étranger.
Mais qu'en est il de l'utilisation des TIC au service de l'alphabétisation de certaines populations?

Avant de parler d'alphabétisation, il convient de noter qu'il existe certes une fracture numérique (disparité d'accès aux technologies informatiques) entre les pays et beaucoup d'organisations internationales (Banque mondiale, ONU, USAID...etc.) ont pour objectif de la réduire afin de doter les pays en développement d'un accès plus généralisé aux TIC. Pour cela la question de l'accès aux logiciels libres et open source est particulièrement d'actualité et devrait faire l'objet d'une généralisation plus poussée.

Pour nous situer, le réseau Afreak nous rappelle que la Décennie des Nations Unies pour l'Alphabétisation (2003-2012), initiée et coordonnée par l'UNESCO , s'inscrit dans le cadre des initiatives internationales en faveur de l'éducation et du développement. L' « Education Pour Tous » (EPT) définit l'objectif général de la décennie : l'amélioration de 50% des niveaux d'alphabétisation d'ici à 2015. Les Nations Unies confirment, par ce biais, l'extrême importance de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture par les enfants, les adolescents et les adultes, dans et hors de l'école.
Le Plan d'action international de la Décennie pour l'alphabétisation propose six domaines prioritaires d'action pour mettre en oeuvre l' « Alphabétisation Pour Tous » (APT). (...) Les technologies de l'information et de la communication (TIC) sont des priorités qui traversent divers domaines d'action et mettent notamment l'accent sur le développement de l'accès, la formation et le recours aux TIC comme modalité spécifique d'enseignement.

Cela étant dit qu'elle est la réalité de ces belles paroles sur le terrain ?

Des réseaux se sont créés dans la dernière décennie, comme par exemple le réseau francophone international d'échange favorisant la création et la diffusion d'outils et de contenus liés aux TIC en alphabétisation d'adultes, des projets ont fleuri (pour un exemple intéressant de projet voir le projet "je parle donc j'écris" ou la présentation de divers projets sur le site Internet de rue). Un projet a retenu mon attention, le Programme d’éducation non formelle à l’aide des TIC: Cinq centres d’apprentissage communautaires participent au projet « Programmes d’éducation non formelle à l’aide des TIC ». Ce programme est soutenu par l’Unesco. Il vise à permettre l’alphabétisation des populations à l’aide des TIC. Les centres proposent des ateliers d’alphabétisation où les participants apprennent à l’aide de CD-ROM à lire et à écrire dans leur langue. On utilise les TIC et le multimédia pour éveiller l’intérêt des apprenants et améliorer l’éducation non formelle. Les cours sont, en effet, radicalement différents des cours d’alphabétisation traditionnellement dispensés dans d’autres centres d’apprentissage en Inde. Au lieu d’utiliser les manuels d’alphabétisation classiques – dont le contenu correspond rarement aux besoins des apprenants – le cours repose sur la création de contenu local. Les participants ont ainsi pu concevoir un contenu pédagogique personnalisé à l’aide d’une caméra numérique et d’autres technologies de l’information et de la communication. L’approche personnalisée renforce l’efficacité du processus d’apprentissage et motive l’apprenant. Le programme s’adresse à des personnes de tous âges. Le programme ne se limite pas à l’alphabétisation. Il s’agit d’un ensemble intégré de projets dont le point commun est de promouvoir l’utilisation des TIC pour améliorer la portée et la qualité de l’apprentissage et de la formation dans tous les contextes éducatifs. Les cinq centres indiens travaillent actuellement avec l’UNESCO au développement de stratégies de développement durable dans les villages. Le plus gros des dépenses du programme est destiné à l’acquisition de caméras numériques et d’ordinateurs équipés de modem, téléphone, imprimante, logiciels et écran tactile.

Il ressort à la lecture de ce projet que les mêmes ingrédients que ceux que nous connaissons dans nos classes québécoises sont les élèments gagnants pour un apprentissage réussi: partir de l'intérêt de l'apprenant, d'un contexte signifiant, adapté à ses connaissances antérieures et son vécu.

Il ressort aussi des lectures sur les expériences d'intégration des TIC dans le domaine de l'alphabétisation que les TIC peuvent être très utiles à la production de matériels d’apprentissage adaptés au contexte local ; qu’il est à la fois facile et très stimulant pour les apprenants de se former au matériel ; et que les centres d’accès aux TIC sont d’autant plus viables que leur gestion est confiée aux communautés locales et qu’ils sont utilisés par d’autres agences communautaires (cf. rapport final du Projet Alphabétisation du COL (COLLIT).

En guise de conclusion, j'aimerais reprendre ici les recommandations du Conseil canadien sur l'apprentissage (dans la recherche fort intéressante: L’intégration des TIC en alphabétisation communautaire au Québec par Sharon Hackett), qui souligne que le virage informatique dans les organismes d'alphabétisation a été effectué à peu près partout, et que la motivation semble évidente puisque ne pas apprendre à utiliser un ordinateur équivaudrait à faire perdurer l’un des facteurs d’exclusion des adultes faiblement scolarisés. Les recommandations principales sont de prévoir de former réguliérement les formateurs, et de renforcer ou instituer une collaboration plus poussée avec d'autres réseaux d'alphabétisation.


... l'alphabétisation ne va pas sans les TIC ! C'est certain !

Pour un approndissement du sujet, consulter le site "Internet de rue" (ATD-Quart Monde) mettant en ligne de nombreux articles sur la problèmatique de la fracture numérique tant dans les pays en développement que dans les pays développés. Un exemple parmi tant d'autres d'intégration des TIC en alphabétisation au Québec: Ludolettre.

les enseignantes et les TIC... commentaire

Suite à la lecture du billet les enseignantes et les TIC, voici mes commentaires et réflexions:
Pour aller dans ton sens sur le coût faramineux de l'intégration plus généralisée des TIC dans les écoles québécoises, il est important de savoir qu’en juin 2001, il y avait dans les écoles primaires et secondaires publiques du Québec un ordinateur pour sept élèves inscrits à la formation générale des jeunes. Cela représente approximativement 140 000 ordinateurs, dont près de 100 000 seraient adaptés aux technologies de l'information et de la communication et branchés à Internet (Ministère de l’Éducation du Québec; cf site carrefour-éducation). De plus concernant le coût des logiciels on estime que (…) au moins 300 $ sont consacrés au système d'exploitation qui est livré avec la machine (Windows 2000, par exemple), ce qui représenterait (…) une dépense « de plus de 10 millions de dollars par année si l'on tient compte que ces systèmes d'exploitation ont une durée de vie de deux ou trois ans ».
Connaissant tous ces coûts et sachant qu’il y a des alternatives gratuites, il est normal que depuis quelques années (début des années 2000), le Ministère s’interroge sur les moyens possibles afin de limiter les coûts en investissement. Il me semble cependant surprenant que cela prenne autant de temps, et que les solutions ne soient pas plus vite exploitées sur le terrain. Quelles sont ces solutions envisageables ? obtenir un logiciel gratuit, avoir accès à un logiciel libre et avoir une architecture terminaux-serveur (linux par ex.). Pour plus de détails, lire des solutions de rechange à explorer ou Logiciels libres ou gratuits: pourquoi? État de la réflexion sur le terrain... ... et quelques pistes à suivre
(Un dossier réalisé par Clément Laberge à la demande de Carrefour-Éducation).
Il existe des logiciels gratuits et/ou libres par milliers facilement téléchargeables. Un exemple intéressant est celui de la Commission de Laval qui a décidé il y a quelques années de devenir le modèle d’intégration du logiciel libre: Réseau de fibre optique, logiciels libres et gratuits, déploiement d’ordinateurs légers, bureau virtuel font partie de la solution trouvée par la Commission.
A quand l’étendue de ces solutions dans toutes les Commissions scolaires ?

mardi 21 octobre 2008

Les TIC... inévitables?

Je suis plongée dans le monde des blogues (consacrés à l'éducation et l'utilisation des TIC) depuis début septembre, afin d'en découvrir l'essence, l'utilité, la finalité. Malgré ma réticence initiale, je suis maintenant convaincue que l'utilisation des TIC est inévitable en classe. Si on ne veut pas faire partie des dinosaures, de l'arrière-garde, des profs ennuyants, il faut s'y mettre ! La question serait, à mon avis, plus de savoir de quelle façon et quoi permettre aux élèves: les cellulaires à l'école, les ordinateurs portables, les agendas éléctroniques...etc. Chaque sujet apporte son lot de pour (pour un exemple) et des contre, tous les plus intéressants les uns que les autres. L'utilisation des TIC peut se faire avec discernement, part de l'intérêt des élèves et surtout ouvre des horizons jusque là inexplorés. Certes, des inquiétudes peuvent être soulevées: le goût de la lecture des jeunes, le temps passé devant les ordinateurs, la socialisation (réseau virtuel d'amis), le manque d'activités physiques...etc. Le débat englobe alors un débat plus large qui est celui du portrait de notre société de demain. Mon inquiétude reste cependant de me perdre dans l'immensité des ressources disponibles, des activités proposées, des réflexions avancées... j'ai l'impression de me retrouver dans un trou sans fond... et sans fin !

lundi 20 octobre 2008

L'avenir de l'école:... virtuel ?

L'institution scolaire telle qu'on la connait traditionnellement date de la nuit des temps (ou presque !) Une classe (un espace physique) dans laquelle on retrouve un professeur et des élèves! Certes au fil des siècles et des courants de pensée, les approches pédagogiques d'enseignement changent et se renouvellent mais la recette reste la même: une classe, un professeur, des élèves!
Les TIC vont elles aboutir à un changement de ce modèle d'enseignement ? se dirige-t-on vers une école primaire virtuelle ? et si oui quels en seraient les points positifs et les points négatifs?

Pour l'instant notre modèle d'école primaire ne semble pas prêt de changer radicalement même si les TIC y prennent une place de plus en plus importante! Il semble que notre espace classe avec professeur et élèves ne soient pas remis en question dans l'immédiat. Cependant se poser la question ne paraît pas si saugrenu lorsqu'on voit à quelle vitesse se développent les possibilités de formation universitaire à distance utilisant les TIC.
Même si nous ne sommes pas encore à l'ère d'une école totalement virtuelle, il existe des projets
et des tentatives d'école virtuelle qui pour l'instant ne vise pas à remplacer l'école classique mais à la compléter, soit tout simplement par des activités éducatives à faire à la maison (exemple: l'École virtuelle), soit par des cours complémentaires (Une école francophone virtuelle en Colombie-britannique).

Si tenté qu'une école totalement virtuelle soit envisageable au primaire, quels seraient les points positifs d'une telle entreprise (pour un point de vue d'un scénario envisageable de l'avenir de l'école, voir "Les transformations actuelles de l'enseignement : trois scénarios possibles dans l'évolution de la profession enseignante" de Claude Lessard)?

Beaucoup avance le développement de l'organisation chez l'apprenant, son autonomie, et une certaine discipline.

Cependant, il me semble que les désavantages sont bien plus nombreux: pas de socialisation, manque de modèles adultes, pas d'interaction réelle, pour ne citer qu'eux.

Le débat est ouvert. Des sociologues pensent que le changement est inéluctable. Je crois aussi pour ma part que l'on se dirige vers une redéfinition de fond en comble de l'école traditionnelle (dans les prochaines décennies).

D'après Tardif et Mukamurera (1999) dans "La pédagogie scolaire et les TIC: l'enseignement comme interactions, communication et pouvoirs", avec les TIC, c'est vraiment la première fois depuis près de quatre siècles que l'hégémonie de la classe, comme structure socio-physique du travail pédagogique, est sérieusement menacée, alors qu'elle peut s'ouvrir et se défaire au profit de nouveaux modes d'éducation et d'instruction fondés sur des nouvelles formes d'interactions entre les enseignants et les élèves. (...)

En effet, au regard des technologies antérieures, du livre à l'audiovisuel, l'originalité et la force des TIC nous semblent résider, par rapport à la pédagogie scolaire, dans leur possibilité de substituer aux interactions en classe des interactions à distance et hors classe, c'est-à-dire des interactions qui échappent aux limites spatio-temporelles de la classe. Il ne s'agit pas ici seulement de l'enseignement à distance, mais plus sérieusement d'une mise à distance de l'enseignement tel qu'il existe depuis l'institutionnalisation de l'école. Au Canada, cette mise à distance est déjà commencée, alors que dans les divers territoires et provinces, on tente actuellement plusieurs expériences d'enseignement qui ne sont plus basées sur la coprésence des enseignants et des élèves au sein de classes traditionnelles (Haughey, 1999; Jefferson et Edwards, 1999). À l'heure actuelle, il est difficile d'entrevoir exactement les formes et l'ampleur que prendront dans un proche avenir ces expériences; mais d'ores et déjà, on peut faire l'hypothèse plausible qu'elles vont aller en s'amplifiant et en se multipliant.

(...) Or, si on admet que les TIC peuvent pour la première fois depuis quatre siècles faire sauter ou du moins puissamment déstructurer la forme institutionnalisée de la pédagogie scolaire avec tous les contrôles qui l'accompagnent, si les TIC peuvent délimiter et ouvrir l'espace-temps de la classe, il en découle la question suivante:

est-il possible d'instruire et d'éduquer, bref de scolariser les nouvelles générations sans passer par la classe et l'école ou du moins, en mettant en place des formes socialement acceptables d'apprentissage hors classe et hors école?


La question reste ouverte... rendez-vous dans quelques années !